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L'égalité des convictions politiques dans la Charte des droits et libertés de la personne: perspectives d'interprétation sous l'angle de l'identité politique
1. Introduction
En droit, la question de
l'identité est habituellement abordée sous l'angle du droit à l'égalité, donc
d'une protection contre la discrimination fondée sur certains motifs – le sexe,
l'origine ethnique, les convictions religieuses, etc. Pour notre part, nous
nous concentrons sur le motif des « convictions politiques » présent
à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec, car l'interdit de discrimination sur cette base fut appliqué par les
tribunaux québécois en une seule occasion – et sans la définir très exhaustivement
– malgré la mise en œuvre de la Charte en 1976. En conséquence, la teneur et
l'étendue de la protection demeurent encore assez floues. Cette situation fut qualifiée de
« prudence excessive, et parfois même restrictive [des tribunaux], quant à
la discrimination politique, combinée à une réticence à étudier en détail les
questions de fond soulevées » (2)
ainsi qu'à « une volonté de leur part de restreindre l'étendue de
l'interprétation des termes convictions politiques » (3).
La présente réflexion s'amorce sur le pari qu'un examen des principes
fondamentaux du droit libéral (4) permettra
de mettre au jour des obstacles conceptuels qui expliquent cette réticence,
mais aussi de les dépasser. Il s'agit donc de regarder d'abord les fondements
du droit à l'égalité, et particulièrement à l'égalité politique, au sein du
droit libéral moderne pour faire ressortir la conceptualisation de l'identité
propre à cette tradition. Nous verrons ensuite l'évolution de ce droit à
l'égalité pour s'adapter à l'époque postmoderne et la conceptualisation
renouvelée de l'identité qu'elle suppose.
De façon transversale à cette
présentation, nous nous attaquerons à la question au cœur de notre
réflexion : quelle protection le droit libéral peut-il offrir à diverses
convictions politiques, particulièrement lorsqu'elles prennent position contre
le modèle libéral?
Comme l'annonce cette question,
notre argumentation sera développée à l'intérieur de la pensée libérale, plutôt
qu'à partir d'un point de vue critique (lequel aurait aussi pu être pertinent).
Cependant, nous adoptons un style plus libre que la réflexion juridique
traditionnelle, ce qui fait peut-être de cette réflexion un « essai »
juridique5.
Finalement, nous tenons à avertir un public profane6 que notre analyse sera
centrée sur les représentations du monde juridique plutôt que la sur la réalité
sociale empirique bien que nous aurons certaines illustrations de la capacité
des premières à nous renseigner sur la deuxième.
2. Le droit à l'égalité au sein de l'État libéral
moderne
L'émergence du concept d'égalité
juridique peut être positionnée dans les fondements de l'État et du droit
modernes. La Réforme et les sanglantes guerres de religion qui en résultèrent
entre protestants et catholiques au sein des États monarchiques dès le XVIe
siècle forcèrent une réflexion sur le fondement divin de la légitimité
politique (7). Au sein de ces
sociétés, les personnes étaient déjà des sujets de droit, mais leur statut
était relié à leur « rôle social déterminé traditionnellement » (8). Le mouvement vers la
modernité fut un long processus « de revendication et d'institution de
l'égalité substantielle des droits [par] l'effacement ou la fusion progressive
des privilèges particuliers et hiérarchisés [traditionnels] dans un droit
commun » (9)
semblable pour tous et partagé par tous, car « inhérent à la subjectivité
humaine en tant que telle » (10). Ce
processus de revendication créa, d'une part, l'État de droit moderne et
national subordonnant le pouvoir politique aux principes d'égalité devant la
loi et d'égalité des droits et, d'autre part, le statut de citoyen titulaire de
la personnalité juridique (11). De ce
portrait historique à grands traits, il faut retenir que l'émergence du concept
d'égalité en droit est concomitante à la fondation de l'État moderne et que,
déjà, le concept est relié à celui d'identité. En effet, la personnalité
juridique en tant qu'assurance d'égalité devant la loi et devant l'État est
reconnue en droit d'abord aux citoyens d'un pays (12).
Ainsi, la personnalité juridique est le pendant en droit du statut politique de
citoyen, ie de titulaire de l'identité nationale. Cette identité
nationale est la seule identité qui intéresse le droit moderne, dont le droit
libéral sur lequel nous nous concentrerons dans le présent texte.
Effectivement, le droit libéral
s'élabore sur un échafaudage conceptuel masquant les appartenances identitaires
autres que l'appartenance nationale : la distinction entre la sphère
publique
et la sphère privée.
Cette
sphère privée, définie comme les relations entre individus, est le lieu des
particularismes où peut s'exprimer et se vivre la diversité religieuse et où
chacun doit être gouverné par le principe de tolérance quant à ce pluralisme.
Outre la diversité religieuse, tout autre objet de diversité identitaire sera
par la suite géré au sein de cet échafaudage conceptuel dualiste de l'État
libéral – nous pouvons ici penser notamment à la diversité ethnique et à la
diversité sexuelle.
Dans la sphère publique, définie comme les relations entre l'État libéral et
les citoyens, le principe de neutralité encadre les actions de l'État en ce
sens que ce dernier « doit, par souci de
justice, être neutre entre les différentes idées du bien » (13), ce qui :
« oblige l'État à rester aveugle à tout jugement de
valeur intrinsèque portant sur les individus ou sur les conceptions du bien
choisies par les individus […
de telle façon que ce choix de] valeurs intrinsèques
au niveau de [l]a vie morale personnelle [...] n'a aucune place dans le débat
politique » (14).
Ainsi,
le cantonnement des actions de l'État libéral dans la sphère publique prohibe
aux décideurs de fonder leurs décisions sur des choix moraux ou religieux15.
Dans cette sphère publique, la personnalité juridique conjuguée
avec d'autres droits inhérents au libéralisme assure de façon formelle la participation
à la communauté politique que constitue l'État; c'est ici que nous pouvons
constater une certaine égalité politique. Les droits politiques, comme le droit
de vote et le droit de se présenter à une élection, assurent à tous les
citoyens la possibilité de participation à l'organisation politique étatique, nous
entendons par là les structures représentatives de l'État16. De
même, la liberté d'expression17 permet de faire valoir dans l'espace
public toute idée politique et protège ainsi la participation aux débats
publics sur les questions d'intérêt public. La sphère publique à laquelle
tout citoyen a accès pour faire valoir ses idées politiques comprend donc les
structures formelles de l'État et l'espace du débat public. Dans la conception
moderne, le politique est fortement associé à la sphère publique et en
opposition avec la morale et le religieux qui relèvent de la sphère privée18.
Cette
présentation des fondements et de la protection de l'égalité politique dans le
droit moderne nous permet de conclure cette section sur la conception moderne
de l'identité qui s'en dégage. L'État moderne se présente comme l'incarnation structurelle
d'un projet politique dont l'unité collective est la Nation – on parle
d'ailleurs justement de l'État-Nation – laquelle constitue le seul groupe
identitaire pertinent aux yeux de l'État pour déterminer les droits des
individus. La personnalité juridique camoufle les particularismes individuels
aux yeux de l'État et du droit, lesquels ne s'intéressent qu'à une seule identité
sociopolitique : l'identité nationale qui devient le fondement de leur
égalité politique19. Ainsi, nous sommes devant une
conception juridique de l’identité plus proche de cette définition que l’on
peut retrouver dans un dictionnaire général comme le Larousse : « Rapport que présentent entre eux, deux ou plusieurs êtres ou choses
qui ont une similitude parfaite ». L'identité nationale crée
l'abstraction de citoyens identiques.
Il faut en comprendre que
les convictions politiques n'y sont pas juridiquement conçues – et peut-être
même pas perçues par les individus – comme relevant d'identités politiques
diverses. Dans la suite du présent essai, nous nous demanderons de façon
transversale si cette conception moderne de l'identité est toujours celle de notre
époque.
3. L'ère postmoderne
La réalité d'un passage de
l'époque moderne à celle postmoderne est encore l'objet de débats et les
observateurs appuyant l'idée de cette transition ne s'entendent pas
nécessairement sur son moment historique, ni sur l'ensemble de ses
caractéristiques. Aux fins de la présente réflexion, nous nous concentrerons
sur une caractéristique au cœur de la théorie critique de la postmodernité de
Michel Freitag (20). Il
s'agit du rôle joué par la garantie moderne d'égalité dans le passage à la
postmodernité qui, pour ce sociologue, s'est enclenché à la fin du XIXe siècle
et s'est accéléré depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'égalité
moderne – qui avait d'ailleurs pour but d'assurer la participation démocratique
à l'espace public politique selon l'auteur – aurait d'abord permis une
réflexion sur le droit. Des individus ont ainsi pris acte d'un certain
désavantage partagé et se sont constitués en groupes pour exiger des mesures
visant notamment l'atteinte de l'égalité formelle. Nous pouvons facilement
penser ici à la première vague féministe ou à la lutte des Afro-Américains, ces
deux groupes exigeant notamment le suffrage universel, mais aussi à des luttes
plus tardives comme le droit au mariage civil entre personnes de même sexe.
Cette égalité est qualifiée de formelle, car il s'agit de concrétiser la
promesse moderne d'une égalité de tous les individus devant la loi et l'État
par l'attribution du même statut juridique et l'accès aux mêmes droits et
bénéfices de la loi. Freitag note la transformation subséquente de ces groupes
en catégories identitaires ainsi que de leurs revendications en exigences de
reconnaissance et de protection de leurs particularismes. En droit, cette
tendance se traduit principalement par des demandes d'adaptation du droit aux
subjectivités identitaires, d'abord, par la reconnaissance de l'existence de
ces identités et ensuite, par l'adaptation du droit à ces subjectivités à
l'encontre de normes considérées faussement neutres eu égard à leurs effets.
Nous nous demanderons suite à cette présentation ce qu'elle ouvre comme
potentialités pour la réflexion sur l'égalité politique.
3.1. L'adaptation du
droit à l'égalité à l'éclatement de l'identité
Il n'est pas nécessaire ici de se
positionner sur les racines de l'émergence du concept de droits fondamentaux;
nous mentionnerons plus succinctement que la Déclaration canadienne des
droits (21) de 1960, la Charte
canadienne des droits et libertés (22)
de 1982 et la Charte des droits et libertés de la personne (23) adoptée en 1975 au Québec trouvent
application au Québec pour la protection des droits fondamentaux et que leur
inspiration la plus directe est certainement la Déclaration universelle des
droits de l'homme (24) adoptée en 1948
par l'assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies. Il n'est pas plus
nécessaire au soutien de notre propos que nous nous attardions à la portée de
chacun de ces outils de protection des droits fondamentaux. Ces derniers nous
intéressent plutôt dans le présent contexte parce qu'ils contiennent chacun un
article qui, d'une part, prévoit que les droits fondamentaux et les bénéfices
de la loi doivent être également reconnus et garantis aux individus et, d'autre
part, établit une liste de motifs interdits de discrimination. À titre d'illustration,
nous reproduisons ici l'article 10 de la Charte québécoise puisqu'il s'agit du
texte d'intérêt dans la présente discussion :
« Toute
personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des
droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse,
l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la
mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques,
la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition
sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce
handicap [nous soulignons]. » (25)
Bien que le droit à l'égalité
soit un droit individuel, ie reconnu aux individus et jamais aux
groupes, nous pouvons voir dans de tels motifs interdits de discrimination la
reconnaissance de discriminations historiques ayant affligées différents
groupes partageant une caractéristique commune (26).
Le droit à l'égalité tel qu'énoncé dans ces grands textes relève donc d'une
attention portée à la réalité sociohistorique; le droit reconnaît que certaines
caractéristiques fondèrent des discriminations de la part des États malgré
l'institution de la personnalité juridique. Alors que la pensée moderne
garantissait l'égalité à une personne juridique « désincarnée » (27), - une personne abstraite détachée de
ses caractéristiques personnelles – les outils de protection des droits
fondamentaux conçoivent l'égalité à la lumière des réels rapports de pouvoirs
qui se constituent socialement entre groupes – souvent entre minorités et
majorités – sur la base de certaines caractéristiques ayant une valeur sociale.
Comme mentionné précédemment,
Freitag soulève que les demandes d'égalité sont formulées par les groupes à
l'ère postmoderne sous l'angle de revendications identitaires. Nous constatons
que l'identité prend en droit une signification nouvelle et nécessaire pour
donner sens au droit à l'égalité prohibant la discrimination sur certains
motifs. Se détachant du premier sens courant mentionné précédemment – l'identité
comme identique – l’identité s'approche maintenant d'un deuxième sens
courant du dictionnaire Larousse :
« Caractère permanent et fondamental de quelqu'un, d'un groupe, qui
fait son individualité, sa singularité [nous soulignons] ». Le concept d'identité qui n'apparaissait en
droit moderne que sous l'angle de l'identité nationale se morcelle en
différentes identités. D'ailleurs, parmi les caractéristiques identitaires
reconnues comme motifs interdits de discrimination, l'origine nationale
n'est qu'un motif parmi d'autres. Évidemment, l'identité nationale
demeure centrale dans la relation du citoyen à l'État puisqu'elle est la
condition de son appartenance, mais à l'intérieur de cette identité – qui
conserve donc une partie de son caractère paradigmatique moderne – des
subdivisions identitaires auxquelles le droit moderne était aveugle
apparaissent maintenant clairement. Le passage à la postmodernité en droit nous
apparaît comme un éclatement contenu de l'identité moderne : à une
identité strictement politicojuridique, le droit intègre une identité
sociale28.
L'égalité
des outils de protection des droits fondamentaux permet la reconnaissance de la
subjectivité d'individus positionnés dans une réalité sociale. L'analyse
des rapports sociaux entre les différents groupes et la place que peut y jouer
l'État permettra ainsi dans un premier temps d'invalider tous actes et toutes
normes étatiques qui ont pour objet d'exercer une discrimination envers
les individus appartenant à un groupe protégé. L'égalité des textes de
protection des droits fondamentaux fut d'abord interprétée comme une
réaffirmation de l'égalité formelle. L'égalité moderne, comprise comme une
égalité devant la loi et l'État qui prohibe tous actes étatiques ayant pour
objet la discrimination des personnes sur la base de certaines
caractéristiques, n'aurait qu'été précisée par la désignation expresse des
caractéristiques protégées. Cependant, la prise en compte de la réalité sociale
que ces textes supposent a ouvert la voie à une conceptualisation renouvelée de
l'égalité en faveur de ce que l'on nomme l'égalité réelle (dite aussi
matérielle ou encore substantielle).
En effet, la réflexion sur le
concept d'égalité a permis de constater que l'égalité formelle n'évacue pas
certains biais et certaines discriminations de l'État qui apparaissent lorsque
l'on s'intéresse aux effets des normes juridiques. D'où le développement
d'une nouvelle conception de l'égalité : l'égalité réelle qui consiste en la prise en compte du contexte d'application des normes juridiques
afin d'en rejeter les effets discriminants malgré une apparence neutre.
L'égalité formelle peut ainsi être présentée comme une protection à l'encontre
de discriminations directes. Il s'agit ici de différences de traitement
présentes dans une norme juridique elle-même, laquelle ne répond donc pas au
critère de neutralité. L'égalité réelle ajoute une protection supplémentaire
(sans évacuer celle de l'égalité formelle) en protégeant à l'encontre de discriminations
indirectes. On vise alors les différences de traitement qui ne sont pas
prévues par une norme juridique elle-même – laquelle répond au critère de
neutralité –, mais qui apparaissent dans les effets de son application29.
Lorsqu'une telle discrimination indirecte est constatée, on favorise d'abord
une réflexion sur la possibilité d'un ajustement de la norme juridique pour
éradiquer l'effet discriminant et, en cas d'impossibilité, on doit évaluer
l'opportunité d'une adaptation particularisée de la norme en faveur de
l'individu ou du groupe désavantagé; il s'agit ici du fameux accommodement
raisonnable30.
Notre propos est moins intéressé
à l'exposition des principes d'application de l'accommodement raisonnable qu'à
soulever que l'égalité – formelle comme réelle – doit être comprise à la
lumière des principes libéraux comme un outil d'inclusion (31). La protection vise dans les deux cas
l'inclusion de tous au projet politique et à la société; ce que l'égalité
réelle ajoute à l'analyse est une attention portée aux conditions de la
réalisation de cet objectif d'inclusion. Ainsi, l'examen de la réalité sociale
quant au rôle de l'État et des normes juridiques dans les rapports de force
entre les groupes visés par un motif interdit de discrimination devra
s'intéresser à l'objet et à l'effet des actes étatiques,
notamment en ce qui à trait à des effets d'exclusion.
3.2. Égalité réelle et
identité politique : rendre visibles d'autres limites de l'égalité
politique
L'évolution
du droit à l'égalité peut nous aider à comprendre la transformation de la
protection de l'égalité politique en particulier. D'abord, la Charte
québécoise en tant qu'outil de protection des droits fondamentaux constitue une
reconnaissance juridique de l'existence de différentes convictions
politiques, et surtout, de discriminations historiques sur cette base. Cette
reconnaissance constitue un passage de la seule référence moderne à l'identité
nationale vers l'identité politique en tant qu'appartenance à un projet
politique. Nous entendons ici l'appartenance concrète à un groupe politique
formel (parti politique, groupe de pression, groupe de réflexion, etc.), mais
aussi l'adhésion ou la prise de position relativement à une idéologie, une
mouvance ou une idée politique (quant à leur contenu ou leur mise en œuvre)32.
L'interdit de discrimination sur la base des convictions politiques est d'abord
une réaffirmation de l'égalité formelle entre les individus. Nous avons déjà vu
que l'égalité politique moderne vise la protection de la participation à
l'organisation politique étatique (les structures représentatives de
l'État) et de la participation
aux débats publics sur les questions d'intérêt public. La protection dans la Charte
québécoise nous semble devoir être comprise comme s'inscrivant dans ces
fondements du régime politique libéral.
Cependant,
aux fins de la présente réflexion, nous allons maintenant nous demander ce que
pourrait ajouter à la compréhension moderne de l'égalité politique une
réflexion sous l'angle de l'égalité réelle des identités
politiques (telles que définies comme l'appartenance à un projet politique) en
ce qui concerne la participation aux débats publics sur les questions d'intérêt
public. Notre recours à l'égalité réelle dans le cadre du
présent essai vise un objectif plus modeste que d'élaborer les critères de
l'accommodement raisonnable politique. L'approche de l'égalité réelle nous
permet plutôt de nous intéresser d'un point de vue comparatif à l'accès réel
des différents groupes politiques à la sphère publique et donc de se pencher
sur les phénomènes d'exclusion par des actions de l'État de certaines
convictions politiques avant même leur expression. Autrement dit, elle permet
d'opérer un passage d'une conception de l'égalité politique qui protège une
participation théorique à l'État et au débat public vers une conception qui
prend acte des réels déséquilibres dans la concrétisation de cette
participation. Nous pourrons ainsi constater des limites à l'égalité
politique.
La participation aux débats publics sur les questions d'intérêt
public est le cœur de la protection libérale de l'égalité
politique. L'égalité formelle nous indique déjà que les actions de l'État au
regard de l'expression politique des individus, ne doivent pas avoir pour objet
de l'empêcher, de lui nuire ou de la sanctionner. Sous l'angle de l'égalité
politique réelle cependant, ses actions ne doivent pas avoir pour
effet de l'empêcher, de lui nuire ou de la sanctionner. La conception
réelle de l'égalité prise isolément serait difficile à opérationnaliser :
comment vérifier si chaque individu a un accès concret égal à la sphère
publique sur les questions politiques? Comment s'en assurer d'une façon plus
intéressée aux faits que l'abstraction moderne de l'égalité politique des
citoyens? À notre avis, en intégrant à l'égalité réelle l'angle de l'identité.
L'aspect collectif de cette dernière permet de s'intéresser aux différents
groupes portant diverses idées politiques dans la sphère publique et de voir si
certains sont évacués avec une certaine récurrence. Il s'agit de regarder si
des actions de l'État ont pour résultat – volontaire ou non – de nuire à la
participation de certains groupes politiques aux débats publics. Voyons un
exemple illustrant de quelle façon cette approche permet de faire apparaître
une atteinte à l'égalité politique dans la participation aux débats publics;
nous limiterons notre propose à rendre visible une atteinte sans aborder
la question du rachat de sa validité suite à une analyse judiciaire (33).
Certaines tentatives étatiques
qui, lors d'une analyse sous l'angle de l'égalité formelle, peuvent sembler un
simple encadrement de la liberté d'expression posent, sous l'angle de l'égalité
réelle, des questionnements quant aux possibilités de concrétisation de la
participation démocratique pour les partisans de certains projets politiques.
Aux fins de l'analyse, nous nous intéressons à l'idéologie anarchiste
puisqu'elle constitue à notre avis une pensée politique qui met fortement à
l'épreuve la capacité inclusive de l'État libéral. L'opposition à l'État comme
forme d'organisation politique de la société mène par exemple certains de ses
partisans à rejeter toute participation aux structures de l'État (34). Mais cette renonciation n'en est pas une de
toute forme d'activité politique. Au contraire, ses partisans s'engagent dans
la propagation d'idées politiques ou encore la participation à des
manifestations. Pour eux, le choix de la manifestation parmi les possibles
moyens d'action politique semble être en lui-même un choix de nature politique
qui exprime une identité politique puisqu'il s'agit d'un acte politique pouvant
s'exercer en dehors des structures de l'État. Pour le droit libéral, ces
activités sont considérées dans l'optique de la participation aux débats
publics, telle que protégée par la liberté d'expression et l'égalité politique.
Mais est-ce que cette forme d'expression de leurs convictions politiques est
concrètement permise aux anarchistes québécois aujourd'hui?
Prenons l'exemple du Règlement
P-6 de la Ville de Montréal qui, à son nouvel article 2.1, exige la
divulgation préalable auprès du service de police de l'itinéraire de toute
manifestation (35). Cet article est à
l'heure actuelle appliqué (36) par le
Service de police de la Ville de Montréal comme une condition de la légalité
d'une manifestation. Ainsi, une manifestation, même pacifique, dont
l'itinéraire ne fut pas divulgué s'expose à la procédure de l'arrestation de
masse, parfois même sur le lieu du rassemblement avant la mise en branle de la
manifestation. La manifestation n'a alors tout simplement pas lieue puisque les
policiers procèdent à la détention et au déplacement des participants aux fins
de leur identification et de la remise de constats d'infraction (d'une somme de
quelques 630$), ce qui prend quelques heures. Cet article 2.1 et les autres modifications entrées en
vigueur en mai 2012 font d'ailleurs l'objet d'une contestation de leur validité
constitutionnelle eu égard aux droits fondamentaux (37). Les motifs qui seront invoqués ne nous sont
pas connus (38); nous examinerons pour notre
part la seule possibilité d'une atteinte à la jouissance de la liberté
d'expression en toute égalité politique.
En vertu de l'égalité formelle,
un tel règlement ne peut pas cibler un groupe en particulier sur la base de ses
convictions politiques. Le règlement ne le fait pas en ce sens que la norme
s'applique à toute manifestation; il serait cependant possible d'amener en
preuve qu'il s'agit tout de même d'une volonté du législateur de cibler
certains groupes politiques. Mais intéressons-nous plutôt à l'égalité réelle.
Alors qu'au seul regard de la liberté d'expression et de l'égalité formelle,
l'obligation de divulgation de l'itinéraire pourrait apparaître comme un
encadrement minimal constituant une limite raisonnable à la liberté
d'expression, sous l'angle de la liberté d'expression et de l'égalité politique
réelle, on voit émerger une négation du droit de manifester de certains
contestataires politiques. En effet, les anarchistes se retrouvent dans une
situation où ils doivent choisir entre leurs convictions politiques qui
s'opposent à la collaboration avec l'État (et de même avec ses représentants
policiers) et l'exercice de leur liberté d'expression politique par
l'organisation d'une manifestation. S'ils veulent rester fidèles à leurs
principes et les exprimer par la manifestation, ils s'exposent à de fortes
amendes et à la privation de leur liberté pour quelques heures. Or, la liberté
d'expression en toute égalité sur les questions politiques comprend le choix du
moyen d'expression que l'on considère le plus apte à transmettre notre message,
d'autant plus lorsque ce choix relève lui-même de l'identité politique des
individus. L'obligation de divulgation de l'itinéraire d'une manifestation n'a
donc pas le même effet sur la possibilité de participation aux débats
publics des individus dépendant de leurs convictions politiques.
L'analyse avec le recours à l'égalité réelle fait ainsi apparaître un impact
discriminatoire de l'article 2.1 du Règlement P-6 basé sur les convictions
politiques.
4. Conclusion
Nous avons vu que les fondements
du droit libéral moderne quant à l'égalité politique prohibent des actions de
l'État qui aurait pour objectif de nuire à la participation des citoyens à la
sphère publique – dans les structures de l'État ou le débat public – sur la
base de leurs convictions politiques. Cette protection se déduit de
l'attribution à tous les citoyens de la personnalité juridique conjuguée à des
droits politiques et à la liberté d'expression. Nous avons constaté dans cet
arrangement juridique une conception uniformisante de l'identité centrée
uniquement sur l'identité nationale : l'effacement des particularismes est
conçu comme le meilleur gage de la protection de l'égalité politique dans la
sphère publique. En reconnaissant différentes caractéristiques personnelles en
tant que motifs historiques de discrimination, des outils de protection des
droits fondamentaux s'attardent aux réalités sociales et permettent au droit de
maintenant percevoir la diversité des identités. L'identité réfère alors aux
caractéristiques personnelles définitoires.
En l'absence de jurisprudence et
de doctrine analysant en détail la protection de l'égalité politique, les
tribunaux se sont montrés réticents à appliquer la protection à l'encontre de
la discrimination politique. Pourtant, le régime démocratique libéral tire sa
légitimité de l'égalité des citoyens pouvant prendre part aux choix politiques
qui s'imposeront ensuite à tous. Nous espérons que notre démonstration pourra
contribuer à une réflexion pouvant fournir des outils théoriques permettant une
revendication effective des droits. Les fondements du droit libéral établissent
des limites intrinsèques claires à l'égalité politique de telle façon qu'une
réticence fondée sur un argument de la pente glissante ne saurait tenir :
l'égalité politique protège un droit de participation politique sans
discrimination et non un droit de se soustraire des décisions démocratiques de
la communauté politique.
Par ailleurs, notre texte s'est
également attardé aux potentialités d'une analyse sous l'angle de l'égalité réelle
qui permet de s'intéresser aux effets concrets de normes juridiques en
apparence neutres. Dans le contexte de réticence judiciaire actuelle, il va
sans dire que les tribunaux n'ont pas encore statué sur l'opportunité de
mobiliser l'analyse de l'égalité réelle dans le cadre de l'application de la
protection contre la discrimination de type politique. Nous croyons cependant
que les juristes devraient se pencher sur cette question afin de rendre
visibles des situations de discrimination politique. Nous avons montré une
difficulté que pose à cet égard le Règlement P-6, mais d'autres actes étatiques
méritent certainement d'être mis en doute pour décider de leur conformité avec
les principes d'une société qui se définit comme libre et démocratique.
NOTES
1.
Détentrice d'un baccalauréat de la Faculté de
droit de l'Université de Montréal, l'auteure y effectue actuellement une
maîtrise sur l'égalité politique et le profilage discriminatoire en droit
québécois. Plusieurs des éléments d'interprétation présentés ici plus
succinctement en sont issus. Pour toute communication sur le sujet : genevieve.bond.roussel@umontreal.ca.
2.
J.Stuart Russel,
« Discrimination on the Basis of Political Convictions or Beliefs», (1985)
45 R. du B. 377, p. 422 (notre traduction).
3.
Id., p. 409 (notre traduction).
4.
L'État québécois, bien qu'empruntant à deux
traditions, fonctionne selon le modèle libéral.
5.
Jean-François Gaudreault-DesBiens, « L'essai et
le droit », Conférence CRDP « Le texte mis à nu », janv. 2007, enregistrement
de conférence en ligne : http://hdl.handle.net/1866/748.
6. Il
s'agit de la délicieuse expression consacrée des juristes pour désigner les
autres!
7. Will Kymlicka,
Multicultural citizenship : a liberal
theory of minority rights, coll. « Oxford political theory », New
York, Oxford University Press, 1995, p. 155 à 158.
8. Michel Freitag, L'oubli de la société. Pour une théorie critique
de la Postmodernité, Saint-Nicolas, Les Presses de l'Université Laval,
2002, p. 193-194.
9. Id., p. 199.
10. Id., p. 200.
11. Id., p. 208.
12. Nous pouvons penser par exemple à la
loi qui discrimine entre les citoyens et les étrangers. Par ailleurs, les
personnes morales que nous connaissons aujourd'hui, comme les compagnies, ne
font leur apparition que plus tard dans la modernité, bien que l'on peut leur
trouver des ancêtres, voir : Geneviève Dufour,
Les societates publicanorum de la République romaine : ancêtres des
sociétés par actions?, Montréal, Thémis, 2012, 721 p.
13.
Brian Barry, « How Not to
Defend Liberal Institutions », dans B. Douglas
et al (eds.), Liberalism and the Good, New York, Routledge, 1989,
p. 49, cité dans Pablo Da Silveira,
« Deux conceptions de la neutralité de l'État», (1996) 23-2 Philosophiques
227, 229.
14. Da Silveira, préc., note 13, p. 243-244.
15. Le lecteur voulant pousser la
réflexion pourra s'intéresser à l'antiperfectionnisme libéral dans ses
conceptions axées sur les justifications ou sur les conséquences.
16.
Notons cependant que
l'implantation de cette égalité ne saura complétée qu'avec le suffrage
universel au bénéfice des femmes et de certaines communautés culturelles à des
moments différents (et majoritairement fort éloignés de la fondation de l'État
moderne) dans les divers pays.
17.
Les
tribunaux canadiens reconnaissent d'ailleurs la liberté d'expression comme une
valeur fondamentale du libéralisme politique préexistante à l'adoption de la
Charte canadienne, voir par exemple : Renvoi relatif aux lois de
l'Alberta, (1938) R.C.S. 100, p. 146 (j. Cannon) et Switzman c. Elbing,
(1957) R.C.S., 285.
18.
D'ailleurs,
pour des raisons de concision, nous nous limiterons dans ce texte à réfléchir
l'égalité politique dans la sphère publique, ie la protection à
l'encontre d'actes discriminatoires de l'État, bien que la Charte québécoise a
cette particularité de s'appliquer également dans les relations entre citoyens.
19. Comme le souligne le Prof.
Gaudreault-DesBiens, alors que les autres appartenances collectives sont
reléguées à la sphère privée, l'appartenance à l'État – ce que nous désignons
donc comme l'identité nationale – est considérée neutre et peut se déployer
dans la sphère publique : Jean-François Gaudreault-DesBiens,
La critique identitaire, la liberté d'expression : un essai critique
d'épistémologie de la pensée juridique. La pensée juridique à l'ère de
l'angoisse, thèse de doctorat, Ottawa, Université d'Ottawa, 1997, p. 85.
20.
M. Freitag,
préc., note 8, p. 214-224. Précisons
que Freitag voit dans la montée des revendications identitaires une fragmentation
dangereuse pour l'existence de la communauté politique moderne des individus
égaux devant l'État. Les groupes identitaires y sont conçus comme des
intermédiaires s'imposant dans cette relation au même titre que les entreprises
et organisations (depuis leur acquisition de la personnalité morale). Une telle
médiation du politique par les groupes suppose que ces derniers soient en
compétition pour le pouvoir et donc que leur poids – et le poids des individus
qui en sont membres – soit relatif à l'adhésion qu'ils obtiennent. Le retour à
une logique communautaire ou organisationnelle serait donc incompatible avec le
postulat moderne d'égalité des individus. Pour notre part, bien que l'argument
ne soit pas dénudé de fondements, ni d'intérêt, nous nous concentrerons plutôt
sur un seul élément de la postmodernité telle qu'identifiée par Freitag, à
savoir une période historique enclenchée par une réflexion sur l'égalité.
Plutôt que de voir la fin du postulat (moderne) d'égalité dans le déploiement
de cette réflexion à l'ère postmoderne, nous y percevons une modification de la
conception de l'égalité et nous nous positionnerons en faveur d'une vision où
l'égalité est un outil d'inclusion à la communauté politique plutôt qu'un
risque de sa désintégration. Ainsi, dans l'interprétation de la protection de
l'égalité politique, il s'agit pour nous de regarder comment le droit peut
s'adapter à cet éclatement identitaire, notamment en prenant acte des
subjectivités identitaires, mais sans désagréger la possibilité d'une communauté
politique. Évidemment, la réflexion ne tient que pour les revendications
identitaires et ne saurait disposer des constatations de Freitag sur
l'importance des personnes morales, laquelle est extérieure à notre présente
réflexion.
21.
SC
1960, c. 44 (ci-après Déclaration canadienne).
22.
Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982
sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)] (ci-après Charte canadienne).
23.
L.R.Q.,
c. C-12 (ci-après Charte québécoise).
24.
Rés.
217 A (III), Doc. Off. A.G.N.U., 3e sess., suppl. no 13,
p. 17, Doc. N.U. A/810 (1948) (ci-après Déclaration universelle).
25.
Charte
québécoise, préc., note 27, art. 10, alinéa 1.
26.
J.-F.
Gaudreault-DesBiens, préc., note
19, p. 42.
27.
Ce
caractère désincarné de la personne juridique réfère d'abord à une abstraction
du sujet de droit de son corps, voir par exemple : Jean-Pierre Baud, L'affaire de la main volée. Une
histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993, p. 11, ainsi que les
nuances pouvant être apportées (ici en droit français, mais plus généralement
en droit civil) : Stéphanie Hennette-Vauchez, Disposer de soi? Une
analyse du discours juridique sur les droits de la personne sur son corps,
Coll. Logiques juridiques, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 46-50. Notre prétention
cependant est que cette désincarnation concerne aussi le corps tel qu'il fait
sens dans les représentations sociales et que par extension donc, on peut
opposer la personne abstraite moderne et la personne sociale des textes de
droits fondamentaux. S'intéresser à l'existence de significations sociales
liées aux catégories identitaires est d'ailleurs la façon de dépasser une
vision essentialiste de l'identité, voir : J.-F. Gaudreault-DesBiens, préc., note 19, p. 45 et 86.
28.
Cette
incitation du Prof. Gaudreault-DesBiens exprime bien l'arrangement identitaire
à construire : « Les juristes doivent […] penser le droit en ayant
pour objectif de rendre possible la constante recomposition de la communauté
politique aux prises avec des déchirements identitaires » afin de répondre
au « débat portant sur les conditions et la concrétisation de la
citoyenneté démocratique » : J.-F. Gaudreault-DesBiens,
préc., note 19, p. 408 et 31.
29.
Cette
définition de l'égalité réelle est inspirée de : Pierre Bosset, « Les fondements juridiques
et l'évolution de l'obligation d'accommodement raisonnable », dans Myriam Jézéquel (dir.), Les accommodements
raisonnables : quoi, comment, jusqu'où? Des outils pour tous,
Cowanville, ÉYB, 2007, p. 3, à la page 18 et Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, Réflexion
sur la limite et la portée de l'obligation d'accommodement raisonnable en
matière religieuse, [Ressource électronique], en ligne: http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs53626 (site consulté le 4 décembre 2012).
Voir également le premier arrêt sur la question : Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 RCS 536,
p. 551.
30.
« La
norme qui fait inutilement abstraction des différences entre les personnes va à
l’encontre des interdictions contenues dans les diverses lois sur les droits de
la personne et doit être remplacée. La norme elle‑même doit permettre de
tenir compte de la situation de chacun, lorsqu’il est raisonnablement possible
de le faire. Il se peut que la norme qui permet un tel accommodement ne
soit que légèrement différente de la norme existante, mais il reste qu’elle
constitue une norme différente. », Colombie-Britannique (Public Service
Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3, par. 68.
31.
D'ailleurs,
l'inclusion est présentée par certains comme un critère d'évaluation des
accommodements raisonnables, voir notamment : Julius Grey, « L'accommodement
raisonnable : multiculturalisme et vision républicaine », dans Myriam
Jézéquel (dir.), préc., note 29,
p. 235.
32.
À
des fins de concision, nous devons référer le lecteur à d'autres sources
concernant les explications sur la définition de l'étendue des activités
couvertes par le motif interdit des convictions politiques. En attendant la
complétude de notre mémoire qui traitera de la question, il est possible de
consulter ces documents qui nous ont inspirés : Renée LESCOP et Haïlou
WOLDE-GIORGHIS, La notion de convictions politiques dans la Charte des droits
et libertés de la personne, Montréal, Commission des droits de la personne
du Québec, Service de la recherche, avril 1983, 64 p. et Muriel GARON et Renée LESCOP, Hypothèses
d’interprétation de convictions politiques, Montréal, Commission des droits
de la personne du Québec, Service de la recherche, août 1983, 26 p.. Par
ailleurs, le lien entre l'identité politique et l'appartenance à un projet
politique nous est également inspiré de la conception de l'identité chez Michel
Freitag pour qui, toute réflexion sur la société, le politique et le droit pose
la question du sujet (philosophique) et, donc, de l'identité individuelle, mais
aussi collective. Le sujet émerge au moment et à la condition d'une
reconnaissance réciproque entre les individus; alors que la collectivité émerge
aussi de ce mouvement vers l'autre. Cette dernière contient les individualités
et les ordonne au sein d'une « communauté de sens […], une réalité
référentielle, et non une substance [nous soulignons] » : M. Freitag, préc., note 8, p. 183-189.
33.
L'article 9.1
de la Charte québécoise, préc., note 23, prévoit en effet qu'après la
constatation judiciaire d'une atteinte à un droit ou une liberté de la Charte,
cette atteinte peut être validée par le tribunal puisque les « libertés et
droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de
l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec », ce qui
permet que la « loi [puisse], à cet égard, en fixer la portée et en aménager
l'exercice ».
34.
L'opposition
à la démocratie de type représentative (en lui préférant la démocratie directe)
fait de l'antiélectoralisme un principe largement partagé chez les anarchistes.
Évidemment, comme on peut s'y attendre d'une pensée antiautoritaire, les
positionnements sur les principes, mais aussi les stratégies politiques peuvent
varier entre individus et des accros aux premiers peuvent être légitimés au nom
des deuxièmes dans certains cas. La protection de l'égalité politique permet
tout à fait à la fois le choix de ne pas participer aux structures étatiques et
cette liberté dans le développement de sa pensée politique chez les individus.
Sur l'anarchisme, le lecteur pourra se référer aux nombreux ouvrages et
collaborations du Prof. Francis Dupuis-Déri,
dont notamment : Nous sommes ingouvernables. Les anarchistes au Québec
aujourd'hui, coll. Instinct de liberté, Montréal, Lux, 2013.
35.
« Au préalable de sa tenue, le lieu exact
et l’itinéraire, le cas échéant, d’une assemblée, d’un défilé ou autre
attroupement doit être communiqué au directeur du Service de police ou à
l’officier responsable»Règlement sur la prévention des troubles de la paix,
de la sécurité et de l'ordre public, et sur l'utilisation du domaine public,
Conseil municipal de la Ville de Montréal, règlement no P-6, 2
février 2001 (modifié le 18 mai 2012), art. 2.1, en ligne : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=3619,4034073&_dad=portal&_schema=PORTAL¶ms_recherche=http://ville.montreal.qc.ca/sel/sypre-consultation/recherchereglement?params=type_regl=999**critere=**source=**type_recherche=0**total=0**crement=10**start_pos=1**acces=0**langue=fr**instances=901**expression=**etendue=titre**statut=1**no_reglement=P-6**no_regl_cond=**applic_territ=0**bro_orderdate=2012-05-19**bro_endorderdate=2012-05-19**utilisateur=&has_been_there=1.
36.
Cette
rapide description s'appuie sur la fin de ce texte qui couvre les pratiques
policières après les modifications au Règlement P-6 : Francis Dupuis-Déri, « Printemps érable ou
Printemps de la matraque? Profilage politique et répression sélective pendant la
grève étudiante de 2012 » dans Francis Dupuis-Déri
(dir.), À qui la rue? Répression policière et mouvements sociaux,
Montréal, Écosociété, 2013, p. 198, aux pages 235-241.
37.
Philippe
Teisceira-Lessard,
« Manifestations à Montréal : six recours collectifs contre la
Ville », journal La Presse, 12 octobre 2013, en ligne : http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/201310/12/01-4699135-manifestations-a-montreal-six-recours-collectifs-contre-la-ville.php.
38.
La demande (refusée
par la Cour supérieure) de suspension des nouveaux articles en attente du
jugement principal indique que l'argumentation des demandeurs (du moins celle
retenue par la Cour) se limitait à la question de l'atteinte à la liberté
d'expression dans le cas de manifestations spontanées : Villeneuve
c. Montréal (Ville de), 2012 QCCS 2861, par. 34. Cependant, cela ne
signifie pas que d'autres arguments ne pourront être invoqués lors de
l'audience principale.
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